C’est l’histoire d’un homme en chute libre. Sensible aux esprits, Uxbal, père de deux enfants, sent que la mort rôde. Confronté à un quotidien corrompu et à un destin contraire, il se bat pour pardonner, pour aimer, pour toujours…
Biutiful trouve son titre dans une faute d’orthographe, censée démontrer des difficultés sociales qui ne datent pas d’hier pour ce père de famille (Uxbal). Biutiful s’arme d’une panoplie de musiques idéales pour appuyer là où tout demeurerait banal. Biutiful s’arcboute sur une performance d’acteur qui parfois laisse pantois. Pleurer sans larmes ? Des angles censés masquer un défaut d’interprétation ? Pourtant Bardem brille. Mais c’est sans compter sur un Inarritu qui ne le ménage pas, qui s’attache, s’agrippe. Le réalisateur semble terriblement concerné. Son rôle-titre doit donc l’être. Mais selon quelle liberté ?
L’acteur principal est une possibilité rare, pour Bardem, de démontrer certaines qualités d’interprète. Car Inarritu se sert en effet du personnage principal, qui s’accapare notamment toute la profondeur scénaristique à lui seul, pour en faire un lien, un acteur-témoin.
Acteur d’une économie de l’ombre pour laquelle le bifton prend toute son importance, et avec lequel il tient entre ses deux mains flic, entrepreneur chinois, ainsi que la mère de ses enfants puis une sans-papier pleine de bonne volonté.
Témoin aussi, d’un tissu socio-économique se terrant dans les méandres du grand Barcelone, et qu’il fait comme jaillir du mystère des bas-fonds de la capitale catalane pour nous l’afficher à pleine vue : un circuit est en effet monnayé par lui depuis des ouvriers de chantier clandestins à une main d’œuvre écoulant des produits contrefaits dans les rues en passant par le patron d’une usine miséreuse qui fait concevoir par des mains chinoises sacs et autres. Son personnage prend donc un poids immense à mesure que toute sa misère s’explique à la vue du spectateur.
Et puis Inarritu surdose, exténue son monde. La bande-son doit absolument donner son effet. Le même homme doit survivre tout en assurant la survie d’autres. Les gimicks également. Le père serre sa fillette contre lui et tout de suite s’entendent, bizarrement, les battements de son cœur. Des chaussures, la nuit, dans la pénombre de sa chambrette percent le plafond et semblent flotter. Déjà son père lui parlait en ouverture de film ; bientôt les morts se verront dès lors que le soleil aura fléchi. Stupéfiant que cet amas sans nom, croisant dans les eaux saumâtres du fantastique et celles, déchaînées du social.
Le portrait demeure brillant, à ceci près qu’on se demande si Inarritu est arrivé au bout d’un cycle. Tous les personnages de Babel se réunissent en un seul, encore la proie au phénomène de la paternité, mais cette fois-ci si fusionnelle ; et selon deux générations : grand-père, père. Le premier est un fantôme puis une tombe puis une bague. Le second est un battant, un cancéreux puis l’égal de son propre père. Et la descendance dans tout cela ? Elle qui aurait permis un point d’achoppement… Elle reste dans un balbutiement de script, aussi victime de long en long qu’oubliée à jamais en fin de compte. Quel drôle de genre cinématographique ! Précisément aucun, en même temps beaucoup, provoquant un sentiment d’inachèvement, voire de limites de réalisateur.
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